Prix Renaudot pour Scholastique Mukasonga
La Rwandaise d'origine tutsi Scholastique Mukasonga, dont la famille a été massacrée en 1994, a été couronnée à Paris mercredi 7 novembre 2012, à la surprise générale, par le prix Renaudot pour son roman Notre-Dame du Nil (Gallimard). Mukasonga, qui ne figurait pas dans la sélection finale, a obtenu six voix au dixième tour de scrutin. Antoine Gallimard a raconté à l'AFP que l'auteure du livre "a cru à une blague".
Le roman a pour cadre le lycée de jeunes filles Notre-Dame du Nil perché sur une crête, près des sources du grand fleuve égyptien au Rwanda. Dans le livre, les familles pensent mettre leurs filles à l'abri des tentations avant le mariage en les plaçant dans ce pensionnat isolé. Sur le même sommet montagneux, dans une plantation à demi-abandonnée, un blanc âgé peint des jeunes filles tutsi, persuadé que cette ethnie descend des pharaons noirs de Méroé. Prélude au génocide rwandais, le livre décrit un huis clos où doivent vivre ces lycéennes bientôt encerclées par les nervis du pouvoir hutu. Amitiés, désirs, haines, luttes politiques, incitations aux meurtres raciaux, persécutions, etc., le lycée devient un microcosme existentiel fascinant de vérité.
Née en 1956 au Rwanda, Scholastique Mukasonga connaît dès l'enfance la violence et les humiliations des conflits ethniques qui agitent son pays. Sa famille est déplacée en 1960 dans une région insalubre du Rwanda, Nyamata au Bugesera. En 1973, chassée de l’école d’assistante sociale de Butare, l'auteure doit s'exiler au Burundi et s'établira en France en 1992. En 1994, vingt-sept membres de sa famille dont sa mère Stefania sont massacrés. Le génocide fera un million de morts en cent jours…
Elle publie douze ans plus tard Inyenzi ou les Cafards, récit autobiographique (Gallimard, 2006). Puis La femme aux pieds nus (Gallimard, 2008), hommage à sa mère (prix Seligman 2008 “contre le racisme, l’injustice et l’intolérance”), et L'Iguifou, nouvelles rwandaises en 2010 (Prix Renaissance de la nouvelle 2011).
C'est le cinquième auteur africain à être couronné par le prix Renaudot ces dernières années, après le Malien Yambo Ouologuem (1968), l'Ivoirien Ahmadou Kourouma (2000), le Franco-Congolais Alain Mabanckou (2006) et le Guinéen Tierno Monenembo (2008). Scholastique Mukasonga a déjà reçu pour Notre-Dame du Nil le prix Ahmadou Kourouma, du nom du grand romancier ivoirien qui récompense un ouvrage, essai ou fiction, consacré à l'Afrique noire.
Voici le site de Scholastique Mukasonga
Michèle Boin, novembre 2012